Pour quelques jours encore, la Normandie est une invitée de choix à Paris, où elle a souhaité se montrer sous ses plus beaux atours. Dans le magnifique hôtel particulier Jacquemart André (qui vaut le coup d’œil à lui seul), vous pourrez découvrir les charmes de la Normandie, immortalisée par les doigts magiques des plus grands noms du célèbre mouvement impressionniste : Renoir, Pissarro, Signac, Boudin ou encore Turner et Jongkind… L’atelier en plein air. Les Impressionnistes en Normandie est une petite exposition certes (quelques salles seulement), mais au contenu ô combien passionnant et aux tableaux inédits. Une plongée vivifiante dans ce qui fût, pour beaucoup de maîtres, un paradis. Bienvenue en Normandie…

Le rôle historique de la Normandie
La révolution picturale qui naît au début du XIXe siècle en Angleterre trouve sa consécration en Normandie. Les peintres décident à cette époque de sortir de leur atelier pour aller peindre « sur le motif », transformant la nature et ses paysages en dessins préparatoires. Révolution sans précédent dans l’histoire de la peinture, elle traverse dès 1820 La Manche pour se développer en France et tout particulièrement en Normandie, qui devient dès lors et pendant plus d’un siècle, le terrain de jeu favori des jeunes artistes et des plus grands maîtres du paysage et le laboratoire de ce jeune mouvement que l’on nomme « Impressionnisme ».

Sa position géographique idéale entre les deux capitales artistiques que sont Londres et Paris, la diversité de ces paysages, sa simplicité d’accès en train (les liaisons ferroviaires depuis Paris étant les premières a être créées) et en bateau font de la Normandie, un endroit privilégié pour la jeune avant-garde et les grands noms de l’art du paysage. C’est ainsi que s’y rendent les maîtres du genre anglais Turner, Bonington, Cotman qui côtoient alors les grands noms français, Millet, Delacroix, Renoir ou encore Corot et Huet, les deux instigateurs de l’école française de paysage.
De ce fait, grâce aux nombreux voyages des maîtres de l’école anglaise et française, la Normandie devient un lieu d’échanges où se définit le mouvement impressionniste dès 1860 notamment, avec les rencontres de Saint-Siméon, qui rassemblaient à Honfleur ou ailleurs sur la Côte d’Opale chaque année, les grands noms du paysage et les jeunes peintres les plus prometteurs : Monet, Jongkind, Boudin, Courbet, Daubigny et un peu plus loin de là, Manet à Cherbourg, Degas dans l’Orne ou encore Berthe Morisot, qui, respectée par ses pairs, deviendra une des fondatrices du mouvement impressionniste.

La Normandie sublimée par les plus grands maîtres
C’est ainsi qu’en une cinquantaine de toiles réparties le long d’un parcours de quelques salles de taille modeste, la Normandie se découvre, sublimée, parfois inédite, sous les doigts d’un Pissaro, Signac, Gauguin, Caillebotte, Morisot ou encore Sisley, à la lueur de l’aube ou dans la douceur d’un crépuscule, une luminosité particulière qui contribua grandement à l’attrait de cette région auprès des peintres impressionnistes.
Les paysages s’égrènent des célèbres falaises d’Étretat au port de Cherbourg, en passant par les jolies ville d’Honfleur, Trouville, Deauville, dans le style particulier de chacun de ses maîtres. Un véritable guide touristique de la Normandie !

Les paysages de marine, grand classique de la peinture mais de plus en plus difficile à vendre, cèdent peu à peu la place à la nouvelle mode des plages et des bains de mer, démocratisés à Trouville et Deauville par l’essor des stations balnéaires et la création de « promenades » en bord de la plage. Le jeu de la marée montante et descendante offre également aux peintres en soif de motifs à immortaliser les nombreux paysages de la Côte d’Albâtre : les panoramas de falaises de craie blanche et leurs échancrures bien sûr, mais aussi les estuaires et les vallées. C’est d’ailleurs la falaise d’Étretat qui servira de motif à Courbet pour l’utilisation du procédé de « séries », dans lequel la lumière prend une place centrale. Il peindra ainsi dès 1869 ce paysage sous différentes lumières, illustrant de cette manière les jeux de lumière à l’oeuvre en Normandie.
Les peintures de ports, constamment tournés vers la mer, se modifient eux aussi pour se tourner de plus en plus vers les activités humaines et son ancrage dans les villes. Les points de vue changent pour rendre mieux compte des allées et venues des bateaux et des promeneurs, la vue plongeante est ainsi privilégiée accentuant également les effets de perspective ou les changements atmosphériques. L’attention se porte ainsi peu à peu sur le miroitement de l’eau ou la course des nuages dans le ciel qui permettent une palette de couleurs encore plus lumineuse, une recherche constante des peintres impressionnistes.

Pour clôturer le voyage, nous quittons le littoral normand pour entrer un peu plus dans les terres et faire une escale à Rouen, ville phare des peintres paysagistes et considérée comme Pissarro comme « le paysage le plus splendide qu’un peintre puisse rêver » et bien sûr Giverny, où Monet vécut 43 ans et dont il ne cessa d’aménager ses jardins pour y puiser l’inspiration. C’est de ces jardins qu’éclora sa série de nénuphars, l’exposition se refermant ainsi sur une vue atypique et inédite de cette célèbre série, qui ne manquera pas de laisser indifférent.
Une exposition qui aurait pu se révéler convenue, tellement le thème est aujourd’hui galvaudé et surtout source de recettes assurées pour les musées (ce que j’ai d’abord pensé pour être honnête) mais le positionnement historique avancé donne une tout autre envergure au mouvement, que confirme la mise en regard des peintres français et anglais. Le choix des commissaires est donc à saluer, renversant l’idée d’une hégémonie du mouvement franco-française. La Normandie se découvre donc un visage international au XXe siècle… Peut-être le retrouvera-t-elle un jour !
Exposition à voir jusqu’au 25 juillet 2016
Plus d’infos : Musée Jacquemart André
Tarifs : 12€ / 10€

La Normandie est aussi à l’honneur… en Normandie, avec le jeune Festival Normandie Impressionniste durant tout l’été, j’y reviendrai souvent dans le blog. Pour patienter, redécouvrez un billet ici sur l’une des expositions présentées à Caen sur un autre peintre tombé amoureux des paysages de la Normandie, le norvégien Frits Thaulow (1847-1906).
Un très bel article, très plaisant et très instructif. Merci beaucoup
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Merci beaucoup pour votre retour. Ma mission est réussie si celui-ci vous a plu !
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J’ai adoré lire ton article!! J’ai eu la chance d’assister au vernissage de cette magnifique exposition!! Tu me rappelles de bons souvenirs! 🙂
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Oooh merci beaucoup, je suis ravie qu’il t’ait plu ! Si j’avais pu assister au vernissage, j’aurais écris un roman 🙂 Je t’envie d’avoir pu y assister. Belle journée à toi…
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