FONDATION HENRI CARTIER-BRESSON, « Ugo Mulas. La photographie »

La nouvelle exposition que vient d’inaugurer la Fondation Henri Cartier-Bresson (Paris) en lien avec Le Point du Jour, Centre d’art/éditeur (Cherbourg) est inédite en France.

By Anne-Laure Hérout | Publié le 9.02.16

En consacrant à l’artiste italien Ugo Mulas, peu connu dans l’hexagone mais qui figure parmi les plus importants photographes contemporain, sa première exposition personnelle, la Fondation Henri Cartier-Bresson et lePoint du Jour comblent une lacune dans l’histoire de la photographie, que seul le Centre Pompidou avait rectifiée, cette année même également, dans son exposition collective de printemps « Qu’est-ce que la photographie ? » (4 mars – 1er juin 2015), en présentant la série des Vérifications acquises en 2009.

Ugo Mulas.jpg

End of the Verifications, 1972,
© Estate Ugo Mulas, Milano
Courtesy Galleria Lia Rumma, Milano / Napoli

« Ugo Mulas. La photographie » présente une soixantaine de tirages d’époque noir et blanc parus dans le dernier livre de l’artiste, La fotografia, aujourd’hui incontournable. Édité en 1973, année du décès d’Ugo Mulas à 45 ans, le photographe y livre un témoignage essentiel de son travail et de ses réflexions à travers le portrait des artistes qu’il a côtoyé et surtout, sa série des Vérifications, son dernier projet qui interroge la photographie et ses pratiques.

De l’utilisation de la photographie…

Né en 1928, Ugo Mulas gagne Milan à 20 ans, où il débute des études de droit avant de rejoindre la Brera Fine Art Academy. Il couvre son premier reportage professionnel en 1954, à l’occasion de la Biennale de Venise, événement artistique qu’il photographiera tous les ans jusqu’en 1972 et dont il rassemblera les nombreuses photographies dans un ouvrage.

10 ans après ce premier reportage et après plusieurs projets personnels, Ugo Mulas décide de partir aux Etats-Unis en 1964 après avoir rencontré à l’édition de la Biennale de Venise de cette même année, de nombreux artistes américains et critiques d’art, dont Barnett Newman. Il y découvre la nouvelle scène pop art et photographie alors la scène artistique new-yorkaise, qui sera l’objet de son livre New York, the New Art Scene qu’il publie en 1967.

C’est avec des photographies de cette période que l’ouvrage La fotografiadébute également. C’est l’époque des portraits de grands peintres du moment qu’il a rencontré : Jasper Johns, Franck Stella, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Lucio Fontana… qu’Ugo Mulas photographie principalement dans leur atelier respectif. Pour introduire chacune de ces séries, Ugo Mulas compose un texte expliquant le contexte de réalisation et l’angle de vue choisi, procédé conservé pour la scénographie de l’exposition.

Parmi ces séries de portraits, celle d’Alexander Calder, son très grand ami, occupe une place très particulière dans l’œuvre du photographe qui souhaita réaliser des photographies significatives de l’œuvre du sculpteur, pour le remercier du rôle essentiel qu’il joua sur lui. Ugo Mulas nous présente de cette manière une autre facette de son travail, la photographie d’œuvres in situ.

En parallèle à ces séries biographiques, le photographe italien s’intéresse aussi à la ville dans son ensemble, sa construction, son dynamisme, son architecture… Il documente ainsi sa ville de résidence, Milan, qu’il surprendra à toutes heures du jour et de la nuit, en extérieur comme en intérieur. Son projet est de réaliser « une archives photographique de la ville de Milan », incarnation selon Ugo Mulas des contradictions de notre époque engendrées par les machines et la consommation.

…au geste photographique

À l’image du livre La fotografia, la troisième partie de l’exposition est plus expérimentale. À la suite des différentes séries et portraits qu’il réalise au fil des années, Ugo Mulas en vient à s’interroger sur sa propre pratique et sur l’essence même de la photographie, comme il l’exprime dans le dernier chapitre de son livre, les Vérifications.

Après s’être replongé dans la lecture des grands livres de l’histoire de la photographie que sont les écrits de Niépce, Daguerre, Talbot entre autres, Ugo Mulas s’attache à la construction de sa série photographique les Vérifications qui s’étendra de 1968 à 1972 et dans laquelle il s’interroge et expérimente les différentes opérations de la création photographique.

C’est ainsi qu’en partant de sa pièce Hommage à Niépce, qui ouvre la série des Vérifications, Ugo Mulas décompose dans des associations d’images les étapes de réalisation d’une photographie : le matériel utilisé, le positionnement du photographe, le développement de la photographie, etc.

Une planche-contact décompose le procédé de l’agrandissement dans un tryptique qu’Ugo Mulas réalise à partir d’une photographie du ciel complétement nu (ni nuage, ni bout de terre…) un rouleau entier de ces seules vues du ciel, prises à l’horizontale ou à la verticale, dont il agrandit l’une d’entre elles jusqu’à obtenir une image fortement pixélisée et où le grain est parfaitement visible.

Une autre photographie de cette série met à l’honneur les produits chimiques utilisés au cours de l’étape de développement dans la chambre noire afin de fixer définitivement la coloration de la photographie.

Ugo Mulas clôt les Vérifications par la même image qui démarre la série,Hommage à Niépce : « […] J’ai décidé de la conclure là où elle avait débuté. D’une certaine manière, j’ai fait comme un graveur qui raye la plaque après en avoir tiré la dernière épreuve ; […] une fois qu’il est cassé, l’opération elle-même ne peut plus être répétée. Le résultat de mon geste fut une image nouvelle, différente de l’image de départ. »

En refermant ce chapitre en 1972, Ugo Mulas réalise sa dernière série peu de temps avant sa mort. Photographe reconnu pour ses portraits d’artistes et ses photographies de rue, la série des Vérifications constitue l’œuvre ultime d’Ugo Mulas, développant la dimension abstraite de sa propre pratique photographique. L’importance de cette série, aujourd’hui admise, s’impose comme un des piliers de la photographie conceptuelle. À cette occasion, Le Point du Jour édite une version française inédite de l’ouvrage La fotografiadont s’inspire l’exposition.

Exposition à voir à la Fondation Henri Cartier-Bresson jusqu’au 24 avril 2016.

Plus d’infos : Fondation Henri Cartier-Bresson et Le Point du Jour

 

Pour plus de photographies, retrouvez l’article sur le blog de Barnebys.fr en cliquant ici.

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