Certainement l’un des moments forts et le plus attendu des derniers mois de 2015, la Première Biennale des photographes consacrée au monde arabe s’annonçait très prometteuse. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a tenu toutes ses promesses !
Déployée dans 8 lieux publics et privés de l’est parisien, à l’initiative de l’Institut du monde arabe (IMA) et de la Maison Européenne de la Photographie (MEP), ce rendez-vous multi-expositions inauguré le 11 novembre dernier, nous livre une radioscopie de ce territoire peuplé de 4 millions d’âmes (soit autant que l’Europe), à travers les travaux de 50 photographes, artistes principalement arabes mais aussi européens, débutés au début des années 2000 jusqu’à couvrir l’actualité la plus récente.

Sous la forme de 4 expositions collectives (IMA, MEP, Cité Internationale des Arts, Galerie Binôme) et 4 expositions individuelles (Mairie du 4e arrondissement de Paris, Galerie Photo 12, Galerie Basia Embiricos, Grainedephotographe.com), ce sont les regards de photographes émergents et confirmés qui nous sont dévoilés ; leur vision personnelle de cette partie du monde en perpétuel mouvement, au développement chaotique parfois, en suspens à d’autres moments, mais toujours tourné vers l’avenir et l’espoir.

À travers la pluralité des formats, ce sont tous les domaines qui composent aujourd’hui nos sociétés qui sont passés au crible : social, politique, environnemental, travail, culturel… Il ne s’agit bien entendu pas d’une vision exhaustive de la vie actuelle dans le monde arabe, ni de particularismes de quelques régions, mais au contraire, d’une vision d’ensemble qu’égayent les regards de ces 50 photographes aussi complémentaires et différents soient-ils. Et c’est dans cette approche, hautement revendiquée par les initiateurs du projet, que la Biennale prend toute son ampleur.

De l’architecture aléatoire de Beyrouth (Joe Kesrouani) au sort des migrants dans les prisons de Lybie (Samuel Gratacap) en passant par les manifestants masqués déambulant sur la grande place du Bardo en Tunisie (Amine Landoulsi), la (re)construction des vies humaines et matérielles brisées par la guerre (Tanya Habjouqa et Giulio Rimondi), la sauvegarde du patrimoine (Emy Kat et Diana Matar), la revendication de l’identité (Malik Nejmi) et de la condition féminine en Égypte (Mouna Saboni), le questionnement de jeunes hommes sur leur nouveau statut d’adulte (George Awde) ou encore le travail des jeunes enfants dans les mines (Myriam Abdelaziz)…

… aussi variés et différents soient-ils, tous ces sujets présentés dans l’exposition Histoire(s) contemporaine(s) à l’Institut du monde arabe, couverts de manière documentaire telle que nous la présente Dania Matar, ou au contraire totalement artistique à l’image de la magnifique série de Malik Nejmi, nous livrent un témoignage fort et poignant, chacun à leur manière, des transformations et des confrontations vécues et/ou subies par les villes et les habitants de cette partie du monde au cours de la dernière décennie.

Malik Nejmi « La Chambre Marocaine »
Une certaine grandeur s’échappe de ces séries de photographies. Le regard positif porté par tous ces artistes nous poussent à redécouvrir un territoire trop souvent assimilé depuis une trentaine d’années à la destruction et au chaos. J’ose y voir même un clin d’œil à la grandeur d’antan qu’incarnait pour tout le reste du monde cette civilisation si riche, intellectuellement, économiquement et culturellement, qui fascinait l’Occident d’alors.

C’est une mutation sans précédent que connaît depuis quelques années le monde arabe, oscillant entre avancée et recul, stabilité et conflit, paix et violence, et qu’ont tenté de saisir et de restituer ces 50 photographes, réunis pour l’occasion. En confrontant la multiplicité des regards, des photographes arabes eux-mêmes mêlés à ceux des artistes européens, cette première Biennale ouvre de nouvelles perspectives sur cette partie du monde en train de se réinventer. L’invitation faite à ces artistes confirmés mais aussi et surtout émergents, permet également de saluer les travaux de grande qualité de ces jeunes photographes contemporains et de les porter à la connaissance de la scène internationale au travers de cet événement de grande envergure.
Exposition à voir jusqu’au 17 janvier 2016
Plus d’infos : www.biennalephotomondearabe.com et Institut du monde arabe
Tarifs : Billet couplé IMA-MEP (13€/8€)
Billet IMA (10€/5€)
Billet MEP (8€/4,5€)