ou une plongée dans le photographie documentaire mexicaine du XXe siècle…
Une fois n’est pas coutume, l’oeuvre d’une des plus importantes femmes photographes mexicaines du XXe siècle, Lola Álvarez Bravo (1903-1993), est enfin présentée en France.
Mise à l’honneur par la Maison de l’Amérique latine jusqu’au 12 décembre 2015, les clichés documentaires du Mexique rural et urbain des années 1930-1970 de cette photographe autodidacte découverte sur le tard et aujourd’hui réhabilitée, égrènent les murs de cette institution hautement représentative.

Cette exposition rétrospective, qui s’incrit dans le cadre de la 5e Biennale des images du monde « Photoquai » organisée par le Quai Branly (un ancien billet à lire à ce sujet), présente une cinquantaine de photographies de l’artiste représentative de ses différentes périodes (séries thématiques, photomontages, directrice de galerie d’art…).
Vers un nouvel âge de la photographie
Le milieu artistique mexicain connait durant les années 1920 une importante effervescence, grâce à deux personnages qui influenceront grandement Lola Álvarez Bravo : Edward Weston et Tina Modotti, compagnons dans la vie, dont le premier développa un nouveau courant artistique nommé « Nouvelle Vision » durant son séjour à Mexico de 1923 à 1926. Fondé sur une recherche avant-gardiste à la suite des désastres de la Première Guerre mondiale, le rôle de l’image et, par conséquent, celui de la photographie, est repensé. En s’affranchissant de la peinture et de la photographie de studio qui prévalait jusqu’alors, la « Nouvelle Vision » met en avant les images de terrain, prises sur le vif, redéfinissant ainsi l’utilisation de la photographie par rapport à celui de la peinture.
En parallèle, Tina Modotti s’efforce, quant à elle, à utiliser dans sa propre démarche artistique la photographie comme un « instrument politique », ce qui aura une très grande résonance dans le travail de Lola Álvarez.

De la photographie au photojournalisme
Le travail de Lola Álvarez Bravo est celui d’une photojournaliste. À la suite

de son mariage en 1925 avec le non moins célèbre Manuel Àlvarez Bravo, un des pères fondateurs de la photographie mexicaine qui lui fera découvrir ce medium, Lola intègre le milieu artistique et culturel mexicain, dans le sillage de son mari, où elle rencontre Diego Rivera et sa femme, Frida Kahlo, avec qui elle liera une très grande amitié et dont elle présentera la première exposition éponyme au Mexique.
C’est un concours de circonstances qui pousse Lola Álvarez à prendre l’appareil photo. Son amie et photographe Tina Modotti est expulsée du Mexique en 1930 au motif de ses ascendances communistes. Lola Álvarez hérite alors de son appareil photo et de sa mission de photographier ces années post-révolutionnaires.

C’est ainsi que jusqu’aux années 1970, Lola Álvarez Bravo travaillera à immortaliser la vie quotidienne mexicaine, en photographiant l’énergie trépidante de Mexico à travers ses programmes sociaux et le temps arrêté de ses campagnes baignées de chaleur au temps des réformes agraires, tout en continuant sa pratique personnelle axée sur le portrait et pour laquelle elle marqua sur la pellicule les écrivains, intellectuels et artistes de l’époque et bien sûr, ses amis, comme Henri Cartier-Bresson et Paul Strand dont elle se sentait photographiquement très proche.
À travers cette production hétérogène de Lola Álvarez Bravo, c’est l’image d’une grande humaniste qui prévaut, une femme qui « s’intéressait aux moments de grande tendresse mais traitait également la violence et la douleur, bien qu’avec un recul de compassion » comme le souligne James Oles, commissaire de l’exposition.
Ce n’est que récemment que l’Europe (re)découvre la richesse des archives de cette femme photographe mexicaine majeure du XXe siècle. Entièrement gratuite, cette rétrospective est à découvrir jusqu’au 12 décembre prochain à la Maison de l’Amérique latine.
Entrée libre
Plus d’informations : Maison de l’Amérique latine