EXPO « DECADE, Portrait d’une génération » par JR | Galerie Perrotin

L’artiviste urbain JR délaisse durant quelques semaines les rues du monde entier pour revenir sur son travail des dix dernières années dans la 5e exposition que lui consacre la Galerie Perrotin, qui le représente depuis 2011.

Affiche de l'exposition | © Galerie Perrotin
Affiche de l’exposition | © Galerie Perrotin

  • Un « art infiltrant »

Cette 5e exposition que lui consacre une des plus importantes galeries d’art contemporain parisienne retrace la genèse de son projet protéiforme « Portrait d’une génération » initié en 2004, alors que JR n’est âgé que de 18 ans et qu’il délaisse la bombe et les graffitis qu’il manipulent depuis ses 14 ans, pour se consacrer à la photographie, suite à une rencontre fortuite avec un appareil photo trouvé à la station RER Charles-de-Gaulle-Étoile.

De cette rencontre naît une passion de la photographie qu’il ne cesse dès lors de développer sur son medium de prédilection : la rue. Musée à ciel ouvert, Paris devient son terrain de jeu. Alors qu’il placarde partout dans la capitale des photos au petit format, Ladj Ly, du collectif Kourtrajmé, le repère et lui consacre un film sur son projet photo. En 2004, ce dernier l’invite à photographier sa cité des Bosquets à Clichy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis).  JR y  réalise un portrait de Ladj qui deviendra célèbre l’année suivante, où entouré de jeunes de la cité, il braque sa caméra sur le photographe, comme une arme à feu. Cette image, ainsi que celles des autres jeunes de la cité des Bosquets, est le point de départ de son projet « Portrait d’une génération » (non encore nommé à cette date), qu’il retrace dans cette exposition. Par cette image de Ladj et par l’utilisation du format XXL qu’il inaugure à cette occasion en placardant ces portraits sur les immeubles de la cité, JR prend le contre-pied des images véhiculées par les médias et redonne la parole à ces jeunes qui se sentaient braqués par les téléobjectifs des journalistes.

27 octobre 2005, éclatent, à la cité des Bosquets, « les plus grandes émeutes de l’Histoire de la France contemporaine » selon le politologue Gille Képel, à la suite du décès de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traouré, électrocutés alors qu’ils tentaient de fuir un contrôle de police à Clichy-sous-Bois. Ce drame est le point de départ d’une agitation sociale et d’un déchaînement médiatique international sans précédent.

Les photographies grand format de JR, affichées un an plus tôt sur les immeubles de la cité, sont alors reprises et exposées par les médias du monde entier, pour illustrer l’actualité. S’opposant à la récupération politique de ces affiches et refusant leur utilisation aux journalistes, JR en vient alors à définir plus précisément sa démarche formelle, qui annonce l’ensemble de son projet 28 Millimètres composé de « Face2Face – 2007 », « Women Are Heroes – 2008/2010 », et « Wrinkles of the City – 2008/2015 ».

En 2006, JR retourne à Clichy-Montfermeil pour immortaliser les visages sciemment grimaçants des jeunes des Bosquets. Il affiche ensuite ces portraits XXL accompagnés de l’identité de leur auteur (nom, prénom et adresse), non pas sur les murs de la cité, mais dans les quartiers bourgeois de Paris, afin de provoquer le dialogue et prendre le contre-pied des images véhiculées par les médias un an auparavant au moment des violences urbaines. Le projet « Portrait d’une génération » prend officiellement son nom : http://www.jr-art.net/projects/portrait-of-a-generation

  •  Diffraction du réel

En 2012, le projet revient sur le devant de l’actualité avec l’annonce de la destruction des deux tours de la cité des Bosquets, dans le cadre du nouveau PRU (Projet national de Rénovation Urbaine). Initialement pensé pour le seul format affiche, le projet prend alors une autre ampleur. Conscient que la disparition de ces tours équivaut à celle de la mémoire des jeunes qui ont grandi ici et des lieux, JR décide de capturer les derniers instants de la cité en collant vingt des portraits réalisées en 2006. L’autorisation d’afficher lui étant refusée, JR décide de placarder illégalement, ces portraits en pleine nuit, à l’intérieur des étages des deux barres d’immeubles. Ceux-ci se retrouvent alors sur les murs des cuisines, des salles de bain…

Une magnifique galerie de portraits se révèle alors entièrement au moment où les grues égrènent les deux immeubles, jusqu’à leur disparition totale. Le projet, initialement pensé pour l’affiche grand format, prend alors une autre ampleur et se déploie sur un nouveau medium, la vidéo, pour conserver la mémoire des derniers instants de cette cité en train de disparaître, mais aussi de cette génération que l’on voit s’effondrer à l’écran.

Puis en 2014, « Portrait d’une génération » traverses l’Atlantique pour prendre, après les affiches et la vidéo, une nouvelle forme. Désireux de perpétuer la mémoire de la cité des Bosquets aujourd’hui disparue, JR, à la suite d’une invitation au David Koch Theater de New York, convainc son directeur, Peter Martins, de réaliser une chorégraphie avec la troupe du New York City Ballet en racontant l’histoire de son ami Ladj Ly et sa rencontre, au moment des émeutes, avec une journaliste, dont une partie est à découvrir dans les espaces de la rue Turenne.

Dix ans, soit une décade, après ses premiers pas dans la cité des Bosquets et avec ce nouveau medium, JR redonne naissance à ces lieux. Quarante-deux danseurs mèneront la danse pour réaliser cette chorégraphie, où JR fait dialoguer hip-hop et danse classique en les personnes de Lil’Buck (Ladj Ly), danseur du jookin et Lauren Lovette (la journaliste), danseuse classique.  qui, fruit d’une réelle réussite (plus de deux mille huit cent visiteurs se presseront chaque soir pour découvrir ce ballet), fait aujourd’hui partie du répertoire du Centre chorégraphique.

  • Mémoire d’une cité

Cette nouvelle forme dansée permet à JR de trouver l’élément qui manquait à son travail documentaire initié il y a maintenant dix ans. La chorégraphie créée, retraçant l’histoire de la cité et les émeutes de 2005, devient le sujet central d’une fiction inspirée du réel présentée dans une vidéo de 17 minutes, intitulée sobrement « Les Bosquets » que JR a auto-produit et réalisé, sur une musique originale de Hans Zimmer, Woodkid et Pharrel Williams.

Cette vidéo, présentée en début de parcours dans l’espace Saint-Claude de la galerie, baigne le visiteur dans une douce nostalgie que viennent bercer les tons clairs et l’atmosphère brumeuse de ses photographies et ses encres sur bois aux formats multiples des danseurs du New York City Ballet et le corps de ballet de l’Opéra National de Paris, invité à rejouer la chorégraphie dans la cité même des Bosquets, avec des danseurs issus des quartiers ; ou encore la douceur et la fragilité émanant de ces personnages sur les toits de l’Opéra Garnier ou au milieu de la froideur des containers en partance du port du Havre

En parallèle, des projections diffusées au sol par un procédé de réflexion, permettent un dialogue permanent entre les trois entités du projet « Portrait d’une génération » : les habitants de la cité, l’évocation des émeutes urbaines de 2005 et la destruction des immeubles d’habitation, qui fut la réponse politique qui s’ensuivit. La présentation diffractée des vidéos qui figurent dans l’espace de la galerie se veut un rappel des difficultés à décrire la forme et la temporalité des événements sociaux et politiques qui ont ébranlé la France entière il y a maintenant une décade.

En se voulant le chantre de ceux qui ne fréquentant ni les musées, ni les galeries, JR invente une forme d’art qui engage les gens et les met en valeur, sous les traits de l’humour. Cet « art infiltrant » comme il le décrit lui-même, s’affiche aujourd’hui sur les murs et dans les rues du monde entier, des banlieues ou quartier bourgeois de Paris, sur le mur de séparation érigé au Moyen-Orient, sur les ponts brisés d’Afrique ou encore dans les favelas brésiliennes.

Vue d’exposition | © Galerie Perrotin

Site internet de JRhttp://www.jr-art.net/

Exposition à voir jusqu’au 17 octobre 2015

Plus d’infos ici : https://www.perrotin.com/ 

Entrée libre

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