La construction de la preuve par l’image…
La nouvelle exposition du Bal vient tout juste d’ouvrir ses portes et nous plonge dans un monde plus proche des archives que de l’art au premier abord. Dans cette exposition, nous sont donnés à voir non pas des oeuvres, ni des artistes au travers d’une exposition collective ou d’une rétrospective comme on pourrait s’y attendre, mais des images… dépourvues de toute recherche esthétique qui plus est. Car là est l’enjeu même de cette nouvelle exposition, et de ce lieu même. Le Bal, jeune lieu de la vie culturelle parisienne (il fête ses 5 ans cette année), est entièrement dédié à « l’image-document ». Le support devient donc le coeur des expositions présentées ici, et dépasse le statut d’oeuvre esthétique purement illustrative pour revêtir celui d’archive, c’est-à-dire d’un document produit pour témoigner.

« Témoigner » est véritablement le mot qui pourrait résumer cette exposition. L’image, dans les onze cas présentés dans cette exposition, est utilisée comme témoin a posteriori de ces affaires policières et historiques, mais son usage diffère suivant les exemples présentés ici. Tantôt utilisée comme simple illustration d’un fait passé tel que dans les scènes de crime, elle peut devenir parfois l’élément qui résout l’affaire non élucidée. Tout d’abord assignée à une fonction passive de témoignage, elle devient peu à peu la clé de voûte d’un système scientifique qui la transforme en « témoin » à part entière. Ce changement de fonction pourrait se situer dans le milieu des années 1910, avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, où pour la première fois, malgré de nombreuses réticences, la photographie aérienne est utilisée comme source informative. Le second grand événement de cette période est très probablement la « Grande Terreur » qui sévit en URSS lors de la révolution d’Octobre de 1917 où Staline provoque l’élimination de 750 000 russes. Chaque citoyen est alors photographié et chaque photographie accompagnée d’une brève fiche biographique. Dans un premier temps illustratives, ces images se révèlent aujourd’hui être des témoins visuels accablant contre l’un des premiers crimes d’Etat de masse perpétré au cours du XXe siècle.

La fonction scientifique de l’image au cours du parcours d’exposition s’impose de plus en plus. Aujourd’hui, l’image est au centre de tous les conflits et de tous les désastres, matériels comme humains, commis par l’homme contre lui-même. L’image constitue alors une pièce à conviction, utilisée dans tous les tribunaux et en tout premier lieu, en 1945, au procès de Nuremberg jugeant vingt-quatre des plus importants criminels nazis. Le recours à l’image, est plus précisément à la vidéo, a été au centre de toute la stratégie du procès intenté par les puissances alliées, à tel point que la salle du tribunal a dû être aménagée en fonction de cette donnée.

Le statut de l’image comme preuve n’est plus à prouver aujourd’hui. L’interrogation va au-delà de l’objet même : qui, de nos jours, peut produire de telles images ? Uniquement les autorités compétentes ? Le tout-venant grâce à son smartphone ? Une complémentarité des sources n’est pas exclure, comme l’illustre l’exemple d’une attaque de drone en 2013 au Pakistan présenté dans cette exposition.

« Images à charge » est une exposition factuelle à plus d’un titre, qu’il n’est plus besoin de rappeler. Il se dégage néanmoins de ces nombreuses images, une certaine poésie, probablement dû à l’accrochage très épuré et à l’abondance de photographies noir et blanc, conférant à l’ensemble une certaine harmonie proche de l’exposition d’art.
Exposition « Images à charge. La construction de la preuve par l’image »
4 juin > 30 août 2015.
Toutes les infos sur le site du Bal : http://www.le-bal.fr/
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